Attentat à Nice: Le tueur a bénéficié de complicités et a préparé son attaque
Le procureur de la République a affirmé que le tueur Mohamed Lahouiaej Bouhlel avait "bénéficié de soutien et de complicité". Il aurait projeté l'attaque plusieurs mois avant son passage à l'acte.
Le parquet a ouvert une information judiciaire et demande la détention provisoire des cinq suspects, a annoncé François Molins, procureur de la République de Paris, lors d'une conférence de presse jeudi 21 juillet, une semaine après l'attentat de Nice, qui a fait 84 morts le soir du 14-Juillet.
Le parquet a demandé le placement en détention des quatre hommes et de la femme, qui étaient inconnus des services antiterroristes : Ramzi A. 21 ans, Chokri C. 37 ans, Mohamed Oualid W. 40 ans, Artan H. 38 ans. et Enkeledja Z. 42 ans. Les cinq suspects ont notamment été mis en examen pour "complicité d'assassinats en bande organisée en relation avec une entreprise terroriste", a précisé le parquet
- Artan H et Enkeledja Z, ce couple d'Albanais est suspecté avec Ramzi A. d'avoir participé à la fourniture du pistolet automatique dont le tueur s'est servi pour tirer à plusieurs reprises sur des policiers avant d'être abattu.
- Ramzi A. est franco-tunisien, condamné à six reprises entre avril 2013 et mai 2015 pour vols, violences et usage de stupéfiants, il a reçu deux SMS envoyés par le tueur quelques minutes avant le carnage.
- Chokri C. ce Tunisien, au casier judiciaire vierge, est soupçonné d'être un des destinataires des cinq armes évoquées par le tueur dans le SMS. D'après des images de vidéosurveillance, l'homme était le 12 juillet sur la Promenade des Anglais aux côtés de Lahouaiej Bouhlel dans le camion lancé sur la foule deux jours plus tard. Ses empreintes digitales ont été découvertes sur l'une des portières du véhicule.
- Les investigations concernant Mohamed Oualid W. ont mis en lumière les très nombreux contacts entre ce Franco-Tunisien et le tueur : 1 278 appels ont été échangés entre les deux hommes depuis juillet 2015. Dans son portable, les enquêteurs ont retrouvé des images du 15 juillet montrant qu'il a filmé la promenade des Anglais, alors que les secours y sont encore, avant de se filmer lui-même.
Des photographies de cet homme, jusqu'à présent inconnu de la justice, prises dans l'habitacle du camion les 11 et 13 juillet, ont été retrouvées dans le téléphone du tueur. Mohamed Oualid W. qui était aussi régulièrement en contact avec Chokri C. avait adressé le 10 janvier 2015 un SMS à Lahouaiej Bouhlel "Je ne suis pas Charlie... Je suis content, ils ont ramené les soldats d'Allah pour finir le travail".
Mohamed Lahouaiej Bouhlel "semble avoir mûri son projet plusieurs mois avant le passage à l'acte", a ajouté le procureur, évoquant des recherches internet et des photos retrouvées dans le téléphone et l'ordinateur du terroriste.
Le Tunisien de 31 ans, arrivé en France en 2005, a été décrit par les témoins comme violent, instable, vivant loin des préceptes de l'islam radical, "mangeant du porc, buvant de l'alcool, consommant de la drogue et ayant une vie sexuelle débridée", avait détaillé lundi 18 juillet le procureur de Paris.
L'homme, qui présentait un "intérêt certain" mais "récent" pour la mouvance islamiste radicale, avait prémédité son acte, louant le camion puis semblant effectuer des repérages sur la promenade des Anglais dans les jours ayant précédé le carnage.
Des clichés retrouvés dans son téléphone, notamment des feux d'artifice du 14 juillet 2015 et du 15 août de la même année, pourraient accréditer la thèse d'un acte "mûri" depuis plusieurs mois.
Le 1er janvier, Lahouaiej Bouhlel avait également pris en photo un article de Nice-Matin intitulé "il fonce volontairement sur la terrasse d'un restaurant".
Le groupe État islamique a revendiqué l'attentat. Toutefois, a assuré le procureur, "le lien n'est pas établi à ce jour avec des acteurs de l'organisation terroriste Daech".
"Le pronostic vital de 15 blessés est toujours engagé", a par ailleurs déclaré François Molins au terme de sa conférence de presse. L'attaque au camion a fait 84 morts et plus de 300 blessés.
Le ministre de l'intérieur Bernard Cazeneuve, qui s'est rendu à Nice au lendemain de l'attentat, sera de nouveau ce vendredi 22 juillet pour un hommage au commissaire Emmanuel Grout. Numéro 2 de la police aux frontières à l'aéroport, c'est l'une des 84 personnes tuées dans la soirée du 14 juillet par le camion fou qui a foncé dans la foule réunie sur la Promenade des Anglais pour le feu d'artifice.
AttentatNice] En ce jour d'hommage officiel au commissaire E.GROUT, nos pensées vont à sa famille et à ses prochespic.twitter.com/dK08YPfdnV
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Ce jeudi, le quotidien Libération affirme que, contrairement à ce qu'avait affirmé le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve, l'entrée du périmètre de la promenade des Anglais réservé aux piétons ce soir-là n'était pas sécurisé par la police nationale. "Un seul véhicule de police, celui des agents municipaux, se trouvait au milieu de la chaussée, côté mer", affirme le journal.
Le président (Les Républicains) du Sénat Gérard Larcher souhaite "une enquête indépendante "sur le dispositif de sécurité en place le soir de l'attentat à Nice, sur lequel s'opposent depuis le gouvernement et la mairie (LR) de Nice dont son premier adjoint Christian Estrosi.
Une réquisition judiciaire urgente a été envoyée au centre de supervision urbain de Nice mercredi 20 juillet. Le parquet de Paris évoque un souci "d'éviter la diffusion non contrôlée de ces images". La municipalité refuse et va demander au procureur de mettre ces images sous séquestre.