Brésil : Scandale de corruption - Les Brésiliens réclament la démission de la Présidente
"Démission". C'est le mot du moment dans les rues de Sao Paulo, Rio de Janeiro ou Brasilia. Des milliers de Brésiliens ont défilé, mercredi 16 mars, contre le pouvoir en place. En ligne de mire : leur présidente Dilma Rousseff, mais aussi leur ancien président, Lula, qui devait faire son grand retour au gouvernement en tant que chef de cabinet de la présidence, une sorte de super-Premier ministre.
Finalement, un juge a ordonné la suspension de son entrée au gouvernement, tandis que les députés ont lancé une procédure de destitution contre Dilma Rousseff. Dimanche, plus de 3,5 millions de Brésiliens avaient déjà manifesté à travers tout le pays, selon le quotidien O Globo (en portugais).
La présidente Dilma Rousseff, réélue de justesse en 2014, fait face à une grave crise économique. Le chômage explose, le pays est en récession et les prix ne cessent d'augmenter : +15% pour le prix de l’eau, +51% pour le prix de l’électricité, +20% pour celui de l’essence, sans parler des produits alimentaires comme les légumes, note Le Monde.
A cela s'ajoute une crise politique majeure. En décembre, Dilma Rousseff avait fait l'objet d'une procédure de destitution, annulée quelques jours plus tard par la Cour suprême. L'opposition l'accuse d'avoir maquillé les comptes publics en 2013 en vue de sa réélection un an plus tard. Au pied du mur, la présidente brésilienne a donc fait appel à celui à qui elle doit sa carrière politique. Lula, l'homme au miracle socio-économique des années, 2000, est rappelé aux affaires.
Sauf que la nomination de Lula intervient dix jours seulement après son audition par la justice et la perquisition de son domicile. Le parquet a requis contre l'ancien chef de l'Etat des poursuites pour "occultation de patrimoine" et a demandé son placement en détention. Or, ce poste ministériel est, pour l'ancien président, synonyme d'immunité judiciaire. Les ministres ne peuvent en effet répondre pénalement de leurs actes que devant le Tribunal suprême fédéral.
Le nom de Lula est mêlé à un immense scandale au Brésil : "Petrobras", du nom de l'entreprise pétrolière contrôlée par l'Etat. Petrobras et les géants brésiliens du BTP se seraient partagé des marchés pour les surfacturer. Des pots-de-vin auraient été aussi versés à la coalition de centre-gauche au pouvoir depuis l'élection de Lula en 2003, explique Le Monde.
Le nom de l'enquête, menée par le juge fédéral Sergio Moro, est clair : "lava jato", soit "lavage express". Depuis deux ans, 133 condamnations à des peines de prison ont été prononcées contre des responsables politiques, des intermédiaires, des cadres d’entreprises et des fonctionnaires, signale O Globo (en portugais).
L'étau se resserre autour de l'ancien président. La justice soupçonne Lula d'avoir bénéficié d'un luxueux appartement en triplex, à Gujara, une station balnéaire prisée, proche de Sao Paulo, relaie Courrier international.
Une conversation téléphonique entre Dilma Rousseff et Lula, rendue publique par le juge Sergio Moro, qui a mis le feu aux poudres mercredi. La présidente informe son mentor politique qu'elle va lui faire parvenir rapidement son décret de nomination. "Ne t'en sers qu'en cas de nécessité", lui dit-elle.
Pour les détracteurs de Lula, c'est trop. Ils accusent Dilma Rousseff de l'avoir nommé pour le protéger des poursuites judiciaires.
Des milliers de manifestants se sont aussitôt massés devant la présidence de la République, à Brasilia. Certains ont repris la fameuse phrase prononcée par Lula en 1988 quand il était syndicaliste, cette fois à ses dépens : "Au Brésil, quand un pauvre vole, il va en prison. Quand un riche vole, il devient ministre !"